pour soprano, saxophone soprano et ensemble
enregistré le 12 août 2017 à Bregenz (Autriche)
Louise Leterme (soprano), Asya Fateyeva (sax soprano)
Opus XXI et l'instant donné
direction : Aurélien Azan Zielinski
AVANT-PROPOS
La langue allemande est riche d’adverbes et de prépositions qui, par combinaison, forment de nombreuses expressions. L’idée du texte est d’utiliser le dernier mot d’une expression pour former la suivante (anadiplose) et, ainsi de suite, construire une chaîne d’expressions (concaténation). Ces techniques sont tout à fait semblables à celles de la comptine française Trois petits chats. À la fin de cette comptine, la dernière chaîne, « cheval de Troie » s’attache à la première « trois petits chats », l’enfermant ainsi dans une boucle. Je procède de la même manière pour mon texte en explicitant cette circularité : Und so weiter (et cætera en allemand). Formellement, le discours comporte également quelques tiroirs où sens et sonorités des mots se mélangent avant de se raccrocher à la chaîne ; mais pas toujours à l’endroit où ils l’ont quittée : ces tiroirs sont donc soit des digressions, soit des dérivations.
L’écriture vocale explore les possibilités de la voix parlée, de la voix chantée et des transitions entre les deux, et rend ainsi hommage à la langue originelle du Sprechgesang. Le rapport entre le saxophone soprano et la voix de soprano est variable selon les parties. Sur la chaîne, la voix soliste est déclamée et accompagnée par un orchestre bruitiste, transparent et sporadique. Le saxophone soprano n’intervient quasiment pas et joue seulement dans l’introduction et les transitions entre les parties ; accompagnés par un orchestre rutilant et coloré, ces passages sont à envisager comme des ritournelles contrastées qui contaminent par touches les autres parties de la pièce. À l’inverse, dans les passages tiroirs, les deux solistes s’unissent ou se complètent et explorent les possibilités combinatoires polyphoniques à deux voix égales.
Enfin, l’orchestre a deux grandes fonctions : souligner et prolonger le discours des solistes et suggérer des espaces contrastés. De la même façon que la voix soliste explore le chanté et le
parlé, l’orchestre procède par aller-retour entre modes de jeux bruitistes et accords-couleurs.